Le virus ne nous rend pas égaux

Hier, j’ai pris le temps de quelques interpellations sur des sujets d’inquiétude qui peuvent s’écouler dans le flot de l’actualité sans qu’on y prenne suffisamment garde. J’ai donc écrit à la ministre du travail sur l’épuisement professionnel afin que des dispositions soient prises au plus vite en cette période de confinement. Et j’ai fait de même auprès du ministre de l’éducation nationale, parce que les enseignants ont été soumis à rude épreuve. 

Je relisais l’éditorial de Françoise Verna, dans La Marseillaise d’hier, dans lequel elle souligne fort justement la « crise éducative » provoquée par la crise sanitaire. L’école confinée fait exploser les inégalités, elle multiplie les décrocheurs. Avec tout ça, on en avait presque un peu oublié la façon pitoyable dont avaient commencé les épreuves du bac. Les épreuves communes de contrôle continu se sont tenues dans l’improvisation et la pagaille. « On constate avec stupéfaction que les principes élémentaires de la préparation et de l’évaluation pour des épreuves d’un examen national, sont systématiquement bafoués », déclarait le syndicat national des enseignants du second degré en février dernier. Et déjà, pourtant, dans la bouche du ministre, on avait entendu cette formule qui allait revenir plus tard : « Nous sommes prêts ». Et lorsqu’elle a été de nouveau employée pour évoquer une année scolaire qui se continue sans être affectée par les événements, nombre d’enseignants ont constaté une fois de plus le décalage entre le réel et le discours. Le monde ne ressemble pas à une circulaire ministérielle… Et beaucoup n’ont pas pu s’empêcher d’y voir une forme de mépris pour le métier enseignant, cet art de la relation, de la transmission, de l’éducation. Couplé à la passion de faire connaître, de faire comprendre, de stimuler pour toute la vie.

En temps ordinaires déjà, la reproduction sociale était bien installée, malgré les efforts déployés au quotidien par les professeurs. Et la philosophie de l’éducation déployée par ce gouvernement, inscrite dans un projet social admettant et confortant les inégalités, n’a évidemment rien arrangé. L’école, ce n’est pas « lire, écrire, compter, se respecter ». L’école, ce n’est pas savoir se débrouiller, être obéissant et le plus vite possible travailleur ou travailleuse bon marché. C’est bien plus que cela. 
 
Il faut que les mesures annoncées pour la fin de l’année prennent en compte la cassure qui s’est opérée et que soit mise en place une stratégie de rattrapage pour que chaque enfant, chaque jeune en ait pour son droit.
Pouvons-nous accepter que ce moment se paye dans toute l’existence ? Cette question va demander un effort particulier de l’éducation nationale et je m’en vais l’écrire au ministre.
 
Je pense aussi à ces étudiants, préoccupés par l’aboutissement chahuté de leur année, dont un millier seraient confinés dans les cités universitaires à Aix-en-Provence. Là aussi, des initiatives se mettent en place et c’est essentiel : ne pas laisser nos jeunes à l’abandon. 
 
Ce n’est pas vrai que le virus a mis tout le monde à égalité. Ce n’est pas pareil de vivre confiné H24 dans un T2 au quinzième étage d’une cité sans balcon et dans une résidence secondaire à la Baule. Quand j’entends une partie de la droite et l’extrême droite montrer du doigt les prétendus mauvais élèves en confinement des quartiers, j’ai la nausée. Ce qu’ont dit les élus de Seine-saint-Denis en réponse à ces stigmatisations insupportables, c’est qu’ils ne le sont pas plus que les autres, même s’ils sont un peu plus nombreux au mètre carré. C’est difficile, pour tout le monde, tout le monde fait des efforts. J’en connais peu qui ont envie d’avoir affaire à ce virus. Mais nous ne sommes pas inégaux que par rapport au confinement. Dans ce même département, ces derniers jours, le nombre de victimes a explosé. Et n’est sans doute pas le hasard si dans nos quartiers d’habitat collectif, où pourtant la solidarité est à fleur de peau, il est plus difficile de se protéger. Une mission parlementaire a fait la démonstration que ce département était discriminé et qu’il disposait en moyenne de beaucoup moins d’argent public investi par l’Etat, notamment dans les services publics. Nos quartiers populaires sont tous logés à la même enseigne et c’est aussi le cas de nombreux territoires ruraux. Les politiques d’austérité, couplées à la compétition libérale ont produit des effets dévastateurs. Face aux inégalités, demain, nous allons avoir besoin de services publics comme ils savent l’être : proches, attentifs, créatifs…