Pierre DHARRÉVILLE, député des Bouches du Rhône

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Mme Pénicaud directrice de l'OIT ?

Lettre à Jean Castex, Premier ministre - le 8 novembre 2021

 

Monsieur le Premier ministre,

 

C’est avec une certaine surprise, quoiqu’on ait appris à s’attendre à tout avec votre majorité, que j’ai découvert dans la presse que le gouvernement, et à travers lui la France, présentait, la candidature de madame Muriel Pénicaud, ancienne ministre du travail et de l’Emploi, à la direction générale de l’Organisation internationale du travail. En tant que membre de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale je n’ai pas souvenir d’avoir été saisi, ni même informé, de cette décision.

Si vous me demandiez mon avis, je vous répondrais que c’est une idée saugrenue, un choix inapproprié et même une provocation inacceptable.

Il semblerait cependant quune intense activité diplomatique se déploie donc en notre nom pour sa désignation.

Comptant parmi les pays fondateurs de lOIT, la France est connue dans le monde pour avoir été aux avants-postes du progrès social à de nombreux moments de son histoire. Elle est même souvent critiquée à l’international pour cette passion toujours vivace et votre majorité, madame Muriel Pénicaud comprise, n’est pas en reste. Il est donc habile de présenter cette candidature comme étant celle de la France, avec l’aura dont elle dispose en la matière, et que l’on doit particulièrement à la force de son mouvement syndical. Vous devriez assumer clairement que vous êtes le négatif de cette image d’Epinal. Vous devriez le dire, au monde entier, que votre projet n’est pas de « cultiver la justice », ainsi que le réclame l’OIT depuis sa création. Vous devriez le dire, au monde entier, que la formule « le travail n’est pas une marchandise » , qui figure dans la déclaration fondatrice de Philadelphie, vous semble un peu surannée et peut-être un peu discutable. Vous devriez le dire, au monde entier, que vous n’agissez pas ici pour « la possibilité pour tous d'une participation équitable aux fruits du progrès en matière de salaires et de gains, de durée du travail et autres conditions de travail, et un salaire minimum vital pour tous ceux qui ont un emploi et ont besoin d'une telle protection », et même que vous cherchez à contrecarrer tout ça, même si cela figure aux rang des missions de l’OIT.

Car Madame Muriel Pénicaud a surtout exercé au cours de sa carrière comme directrice des ressources humaines, notamment dans de grands groupes florissants dont on sait comment ils ont respecté leurs salariés et comment ils adulaient le code du travail. Elle est ainsi devenue une actionnaire influente et une dirigeante de ces grands groupes, qui distribuent de larges gratifications à leurs propriétaires, dont elle a pu bénéficier parralèlement à des centaines de licenciements.

Mais Madame Muriel Pénicaud a aussi été la ministre du travail qui a profondément affaibli le code du travail par ordonnances dès les premiers jours de la majorité. Par exemple, c’est elle qui a supprimé les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, c’est qu’elle qui a renversé la hiérarchie des normes, c’est elle qui a supprimé des mesures permettant la prise en compte de la pénibilité, c’est elle qui a marchandisé le droit à la formation professionnelle, c’est elle qui a tenté d’écarter un des trop peu nombreux inspecteurs du travail qui poursuivait sa mission pendant la crise sanitaire, c’est elle aussi qui soutenait le démantèlement du droit à la retraite, c’est encore elle qui a allumé la mèche de cette révision à la baisse de l’assurance-chômage malgré l’opposition unanime des syndicats de salariés. Plusieurs de ces décisions ont d’ailleurs déclenché des procédures d’alerte et de plaintes de syndicats français auprès des instances de l’OIT.

Vous me direz qu’à tout prendre, elle a su mettre de nombreux salariés avec leurs organisations dans la rue… Mais vous conviendrez sans doute avec moi que le signal est pour le moins confus.

Car j’ai souvenir, à de nombreuses reprises, d’avoir cité les résolutions de l’OIT pour exiger de votre majorité qu’elle s’explique d’y contrevenir. J’ai également souvenir d’avoir protesté contre la minimisation dont elle fait l’objet dans le concert des organisations internationales, par exemple si on la compare au FMI… D’où vous vient cette passion soudaine pour l’Organisation internationale du travail ? Vous eussiez pu aisément choisir la candidature d’une personnalité correspondant mieux au profil du poste : il existe nombre de personnes dans notre pays sincèrement engagées en faveur du progrès social et du droit du travail. Vous comprendrez donc, que je n’envisage pas de faire mienne cette candidature et que je juge utile de le faire connaître afin de ne pas servir silencieusement de caution à cette entreprise.

L’OIT est une organisation internationale essentielle ; il devrait être tenu bien meilleur compte de ses travaux. Le travail est exploité partout dans le monde pour le profit de quelques uns et s’organise à l’échelle internationale un dumping social qui abaisse les standards du droit du travail : la dérégulation et la dérèglementation gagnent du terrain. Dans le monde, un travailleur sur deux n’a pas de contrat de travail, la grande majorité des travailleurs n’a pas de protection sociale, le travail des enfants se développe scandaleusement de nouveau après avoir reculé devant les efforts de l’OIT, les inégalités entre les femmes et les hommes sont massives, nombre de travailleurs perdent la santé ou la vie à la tâche, le travail rémunérateur est une denrée trop rare, les libertés syndicales sont bien trop souvent bafouées et la justice du travail parfois bien fragile. Voilà les défis. Mais nous avons tant entendu de discours idylliques sur le paradis de l’entreprise ou la magie du travail à la chaîne, témoignant d’un déni de réalité, mais aussi tant d’appels à la productivité, à la rentabilité, à l’abaissement des droits dits formels, à l’augmentation du temps de travail…

Pour que les humains cessent d’être ainsi maltraités au travail, il ne suffit pas d’en appeler au dialogue social pour s’éviter des règles communes, en croisant les doigts et en pariant sur une loi de l’offre et de la demande qui fait du travail une marchandise ; il faut se situer résolument du côté de celles et ceux qui n’ont pour richesse que leur force de travail. Il faut donc agir pour que s’appliquent les normes minimales du droit international sur tous les continents ; mais cela n’avancera réellement que s’il existe non pas une concurrence mais une solidarité internationale tournée vers l’objectif d’un rattrapage dans de nombreuses régions du monde ; et cette dynamique n’aura la bonne portée qu’en ayant l’ambition de produire un nouvel effort en faveur de l’élévation du droit social à l’échelle internationale. Pour cela, il faut avoir la volonté de faire de ces enjeux des questions structurantes dans les relations internationales, d’autant plus que nous savons combien elles concourent à la paix dans le monde ; il faut avoir le courage de mettre en cause des logiques capitalistes et des intérêts privés qui impulsent des mouvements opposés. L’OIT peut être un lieu important et un outil décisif pour mener ces batailles.

C’est pourquoi, je souhaiterais savoir, Monsieur le Premier ministre, où a été prise cette décision de pousser la candidature de Madame Muriel Pénicaud à la direction générale de l’OIT, par qui elle a été prise, par quels moyens elle est promue, pour quelles raisons. En somme, quel est le plan, quel est le projet ? Quel rôle « la France » souhaite-t-elle, avec Madame Muriel Pénicaud, que l’OIT joue dans ce monde où le travail est tellement malmené, où les salariés sans droits sont la majorité, où la finance épuise tout ce qu’elle peut d’humains pour remplir les poches d’une poignée d’actionnaires, de grands dirigeants et propriétaires ? En répondant à ces questions, vous vous rendrez compte, sans aucun doute que cette candidature est inadaptée et vous devrez y renoncer.

Face aux dominations qui parcourent la planète, l’OIT peut et doit jouer un rôle décisif afin d’encourager des mouvements émancipateurs et solidaires.

Veuillez recevoir, monsieur le Premier ministre, l’expression de mes salutations un peu effarées.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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