Santé au travail : proposition de résolution

Discussion générale, lundi 22 juin 2020

Le travail, co-produit le monde, transforme les personnes, change l’humanité. Il est le moteur d’un processus civilisant. C’est pourquoi ce que nous faisons du travail est essentiel. C’est le travail qui crée la richesse, c’est le travail qui répond aux besoins, c’est le travail qui invente l’avenir. Il est au coeur du processus d’humanisation, celui qui émancipe, mais il est aussi, à contre-emploi, l’objet des tendances de décivilisation, celles qui abîment l’humain et la planète. 

Parler du travail, c’est donc parler fondamentalement de l’humain. C’est parler de celles et ceux qui travaillent. Des corps, des âmes, des personnes, des sociétés. C’est se demander à quoi nous l’utilisons, c’est refuser qu’il ne soit qu’un moyen tout autant qu’il soit sa propre fin. Car c’est le travail par lequel nous sommes au monde des humains, c’est le travail qui nous lie, et parce que le mouvement ouvrier s’en est occupé, c’est le travail qui crée des droits. 

Ainsi, agir pour la santé au travail, ce n’est pas simplement évoquer les rampes à accrocher dans les escaliers, ce n’est pas s’ériger en fournisseur de prestations aux employeurs, c’est s’intéresser à ce que devient l’humain dans le travail. C’est tendre vers un travail qui procure la santé, le bien-être.

Or, parce que le travail met la personne humaine à contribution, parce que la personne humaine se donne dans le travail, ou bien y est prise, il n’est pas sans effets, sans conséquences, ni dommages. 

Comment donc peut-on parler du travail sans parler du capital ? Comment donc ne pas voir cette contradiction intense qui structure les rapports sociaux, par laquelle le travail est instrumentalisé au service de l’accumulation de richesses par quelques uns ? Comment ignorer que la personne humaine dans son travail est prise dans l’étau de la rentabilité, de la compétitivité ? Comment oublier le sujet u salaire qui permet e vivre bien, ou moins bien ? Comment laisser de côté la question décisive de l’organisation du travail, du dépeçage des métiers, de l’absence de démocratie dans le travail ? Comment évacuer la question du sens du travail ? Prétendre agir pour la santé au travail sans s’élever à ce niveau d’analyse, c’est se contenter de cosmétique. 

Je pense aux ouvriers de la sidérurgie, à ces sous-traitants en scaphandres dans des fours, je pense à ces aides-soignantes courant les chambres et les lits au milieu des virus, je pense à ces ingénieurs du numérique enfermés dans d’impossibles objectifs, je pense à ces enseignants réduits à une fonction technique, je pense à ces ripeurs le nez dans nos déchets dans l’aube silencieuse, je pense à ces paysans d’ici étranglés par les prix indécents et à ceux venus d’ailleurs qu’on fait dormir dans des étables, je pense à ces caissières aux bras raidis et aux dos en compote… Je pense au travail dans ses plus vastes horizons, mais sans jamais oublier sa dimension la plus concrète. Au poste de travail. C’est tout le sens de la proposition de loi que j’ai déposée, s’appuyant sur l’expérience du monde du travail dans le Golfe de Fos et sur le pourtour de l’étang de Berre, elle s’attache à créer un cadastre des maladies professionnelles pour lutter contre les maladies éliminables. 

En réalité, dès le début de cette législature, le ton a été donné : les Comités d’hygiène et de sécurité des conditions de travail ont été supprimés par ordonnances. Et tout le dispositif pour prendre soin de l’humain au travail a été brusquement dégringolé d’un étage. Non la santé au travail n’a pas été la priorité. La reconnaissance des risques professionnels a été l’une des premières cibles de la majorité. Risques chimiques et psychosociaux ne sont pas pris au bon niveau. La sécurité sociale subit un reformatage libéral et à l’occasion du triste débat sur les retraites, on a pu voir ressurgir une vision décomplexée, niant de nouveau la pénibilité du travail, le présentant sous un jour aveuglément angélique. Enfin, la santé au travail a été négligée dans la gestion de la crise sanitaire et au stade de la relance on a pu voir ressurgir l’obsession du « travailler et produire davantage » qui avait déjà été l’un des leitmotivs pendant la réforme des retraites et à bien d’autres occasions. Le travail prescrit n’occupe-t-il pas suffisamment de place dans les vies, dans les esprits, dans les corps ? Faut-il accélérer encore  la valse à mille temps du couple des vieux amants, productivisme-consumérisme ?

Alors, il faut agir pour la santé au travail, pour le travail et les métiers, pour l’humain. Oui, il faut se donner les moyens d’agir. Qui es tableaux de maladies professionnelles qui n’avancent plus ? De l’indépendance des services de santé ? Du rôle des CARSAT ? Il faut un grand débat un grand mouvement même. « L’ouvrier, l’employé, le technicien, l’ingénieur, le chercheur ne veulent pas être programmés sous la dictée. Ils ont un savoir, des idées, de l’imagination, écrivent Roland Gori, Bernard Lubat et Charles Silvestre, dans le manifeste des oeuvriers. Retour au respect mutuel des gens qui travaillent. Retour à l’oeuvre ! »

 

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