Communication solidarités de la commission des affaires sociales

Communication sur les solidarités du suivi dans le cadre de l'état d'urgence de la commission du suivi des affaires sociales

Mercredi 13 mai 2020

 

Des femmes, des hommes, des enfants ont faim. Des femmes, des hommes, des enfants ont été plus exposés au virus. Des femmes, des hommes, des enfants ont souffert plus que d’autres du confinement. S’en sortir est devenu plus difficile, chacune, chacun, s’est retrouvé plus isolé encore face à sa situation de dénuement. Et la lutte contre la pauvreté a été rendue plus difficile pour les nombreux acteurs et actrices de la solidarité. C’est le constat que nous partageons avec Michèle de Vaucouleurs, même si chacun dit les choses à sa façon.

Les inégalités, la misère, l’injustice ont explosé ces dernières semaines. Mais tout cela se cache. Des personnes qui s’en tiraient tant bien que mal au prix d’efforts et de privations quotidiens ont basculé dans la pauvreté. Et il est à craindre que ce mouvement se poursuive avec les développements de la crise. 

Les échanges avec des personnes concernées, comme le tableau qui nous a été dressé, tout cela donne le vertige, le frisson, la colère. La seule réaction d’humanité qui vaille face à cela, c’est la révolte. Parce que la pauvreté, c’est la société qui la fabrique, nul ne la choisit. Et elle vous poursuit, vous tenaille, vous abîme. Et la seule réaction politique, c’est d’agir.

Sans les associations de lutte contre la pauvreté, le drame social aurait été démultiplié. La demande a augmenté de 25 à 40% selon les territoires pour l’une d’entre elles. Elles ont agi dans des conditions difficiles, au début sans masques, car ils n’étaient pas dans les prioritaires. Et elles ont attiré notre attention : leur action ne se concentre pas d’ordinaire sur les aides alimentaires, voire monétaires, auxquelles elles ont été beaucoup réduites de fait pendant le confinement. L’aide à la personne, c’est bien plus que cela, pour les aider à faire face et à sortir de la pauvreté. On ne dit pas assez le sentiment d’humiliation qu’ont tant de femmes et d’hommes conduits à ravaler leur fierté et à demander de l’aide, à laquelle pourtant elles et ils ont droit. Les associations ont souligné la difficulté à faire valoir ses droits, et l’isolement social, qui appellent un accompagnement humain consolidé. C’est aussi pour cela que certaines ont monté des Centres covid pour assurer l’hébergement de personnes touchées. Elle nous ont également indiqué avoir reçu de nouvelles personnes, des retraités, des artisans, commerçants, venant taper à leur porte, des jeunes.

Elles nous ont indiqué que le « surcoût » de leur activité dans la période se chiffre en millions d’euros, car elles ont eu des frais supplémentaires et ont été empêchées de récolter des financements. Après la crise de 2008, la fréquentation avait augmenté de 20%, nous a rappelé une association.

Nous voudrions saluer l’engagement des bénévoles, des salariés qui donnent de leur temps et de l’humanité à leurs égales et à leurs égaux dans la difficulté.

Il faut donc faire face. Et si des mesures bienvenues ont été prises, pour l’heure, rien n’a été acté pour les fonds de soutien aux associations, qui s’inquiètent par ailleurs d’une éventuelle baisse du Fonds européen d’aide aux personnes démunies. Il convient également de rapporter la question posée sur la ponction de 30 millions opérée sur les réserves de l’ANCV pour abonder le fonds de soutien aux entreprises, et qui étaient destinés à une action sociale.

Pour ce qui concerne les aides aux foyers, elles sont forfaitaires, alors que le confinement s’est étalé et que le déconfinement s’étale aussi. Elles paraissent insuffisantes pour faire face aux besoins. Par exemple, 1,5 euros par enfant et par jour de confinement.

La trêve des expulsions locatives a déjà été prolongée, elle doit l’être encore pour toute l’année 2020, d’autant plus que nous devons craindre cet été en pente dure où il sera plus difficile que d’ordinaire d’accéder à des emplois saisonniers. Il faudra plus de temps pour s’en remettre. La question du logement est centrale avec le poids des loyers dans les budgets mensuels et les places d’hébergement créées pourraient être pérennisées.

A ce propos, la reconnaissance des travailleurs sociaux paraît être une urgence. Ils font partie de ces métiers essentiels qui tiennent la société d’équerre. Et l’humanisation des lieux d’hébergement appelle un plan national. Avec une attention particulière pour les effets différés de fragilisations psychologiques ou psychiatriques qui se préparent et pour les addictions.

« Le confinement est un miroir grossissant des situations ordinaires, qui sont le résultat de choix politiques » Jacques Toubon, Défenseur des droits

L’exclusion numérique doit être combattue. Posséder un smartphone et un forfait suffisant est aujourd’hui de l’ordre de la première nécessité. Le défenseur des droits a déjà alerté à plusieurs reprises sur les méfaits de la numérisation sur l’accès aux droits. Et le lien numérique ne saurait suffire. Car au-delà des mesures d’urgence, la crise sanitaire révèle les carences ordinaires de notre système de solidarité. « Le confinement est un miroir grossissant des situations ordinaires, qui sont le résultat de choix politiques » nous a-t-il répété.

Et les mesures exceptionnelles parlent d’elles-mêmes. Selon la DREES, les prestations permettent de la réduire de 8 points, mais c’est encore 14% de la population qui vit sous le seuil de pauvreté et 18% de la population qui se déclare pauvre.

Si l’annonce d’un Plan Pauvreté a suscité beaucoup d’attentes, plusieurs décisions ont fragilisé la redistribution sociale : la baisse des allocations logement, la désindexation des prestations sociales, le gel du montant des bourses, la suppression de l’ARPE qui accordait une aide financière aux étudiants boursiers en fin d’études afin de les accompagner dans leur recherche d’emploi.

Nous avons voulu insister sur la situation des jeunes, pour lesquelles une décision exceptionnelle, quoiqu’insuffisante, a finalement été prise mais qui en laisse encore un certain nombre sans revenus. Ne percevant pas d’aides sociales et pénalisés par l’arrêt de nombreuses activités économiques suite à l’épidémie, ils sont encore plus exposés à un risque de paupérisation accélérée. Le RSA n’est accordé qu’à compter de 25 ans. Les bourses versées aux étudiants sur critères sociaux dépendent de la situation de leurs parents, et non de leur situation financière personnelle. Enfin, la « garantie Jeunes », une aide accordée par les missions locales aux jeunes qui ne sont ni en emploi ni en étude ni en formation, est aujourd’hui limité à 100 000 jeunes et son montant est plafonné à 497 euros, bien en deçà du seuil de pauvreté.

A tout cela, il faut ajouter un mot sur l’assurance-chômage, dont la dernière réforme a restreint l’accès, et ce volet est bien entré en vigueur, tandis que le volet réduisant les indemnisations a lui été reportée en septembre. Tous les arguments qui la justifiaient sont caducs, elle devrait être totalement revue. L’ADF elle-même a considéré comme une réforme « à vocation d’abord budgétaire », ajoutant à leur inquiétude sur leur difficulté à faire face aux besoins de solidarité des temps à venir. 

Un travail a été engagé à propos d’un revenu universel d’activité, provoquant un certain nombre de débats. Une chose est certaine, nous devons engager un grand plan d’éradication de la pauvreté, et il y a pour cela, des choses à inventer.

Cette épreuve aura des effets durables et les amorces de solutions doivent trouver des prolongements. La société doit se préoccuper plus fort de chacune et de chacun. Ne rien céder à la faim et à la fatalité. Et elle doit s’imaginer autrement demain : nous aurons besoin de tous et toutes pour repartir de l’avant, et nul ne devra rester sur le bord du chemin. Une question parmi tant d’autres que je laisse sur la table : les enfants auront-ils tous droit à des vacances cet été ? 

La séance en vidéo sur le site de l'Assemblée nationale