Lutte contre la fraude au CPF. Il ne faut pas économiser sur la formation

Lutte contre la fraude au CPF - Séance du 06/10/2022

Explication de vote

 

On dirait que vous êtes surpris : il existe une fraude au CPF ! Des démarches commerciales très agressives sont utilisées pour encourager les gens à vider leur CPF sans qu’ils bénéficient pour autant d’une formation qualifiante. Ces pratiques sont scandaleuses, mais cette fraude et cette agressivité commerciale, qui méconnaissent les enjeux de la formation professionnelle, étaient toutes deux inscrites dans la réforme dont vous louez les mérites avec emphase. Vous avez monétisé le compte personnel de formation, vous avez désintermédiatisé l’accès à la formation, vous avez marchandisé la formation professionnelle.

 

À chaque fois que vous vous emparez d’un sujet, vous libéralisez, vous privatisez, vous dérégulez, vous marchandisez, et cela fait des dégâts.

 

Vous avez créé les conditions de ces dérives. Il y a de l’argent, un marché et des personnes qui veulent faire des profits. Bien entendu, dans la majorité des cas, de vraies formations professionnelles sont dispensées et les organismes accompagnent les salariés dans leur parcours de qualification. Nous avons besoin d’eux. Je regrette donc l’affaiblissement continu du service public de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), quasiment ignoré du dispositif. 

  
 

En réalité, en ouvrant le marché de la formation professionnelle, vous avez désigné les titulaires du CPF – un porte-monnaie – comme des clients à séduire et à hameçonner. Dans ce secteur, les dépenses de marketing font l’objet d’une véritable débauche : chaque organisme cherche à s’imposer dans la course à l’échalote, et c’est autant d’argent destiné à la formation professionnelle qui n’y est pas consacré. Nous courons ainsi le risque d’un abaissement programmé de l’offre de formation, ou tout du moins d’une formation à deux vitesses. Les formations aux langues étrangères et au permis de conduire ont déjà pris le dessus : elles sont sans doute utiles dans la recherche et l’exercice d’un travail, mais elles ne correspondent pas nécessairement à une formation professionnelle qualifiante. Les salariés, les entreprises et la société tout entière ont pourtant besoin de voir s’élever le niveau de qualification pour faire face aux défis de notre temps.


Le deuxième problème soulevé par la formation professionnelle est celui du respect du travail, des métiers et de l’humain au travail. En abaissant le contenu de la formation professionnelle, en se contentant de former à des compétences ciblées ou éparses, on forme simplement à l’exécution d’une tâche, on déqualifie, on ne crée pas les conditions de l’épanouissement au travail. Partout dans la société, nous observons la crise du travail, une perte de sens, de la souffrance et du travail gâché.
Dans la continuité de notre débat d’hier sur la validation des acquis de l’expérience (VAE), permettez-moi d’espérer que nous ne verrons pas croître le marché de la VAE au détriment des formations qualifiantes. 
Leur articulation est la garantie d’un véritable droit, mais elle ne cadre pas avec votre logique adéquationniste – faire rentrer un cube dans un rond. Si, avec la VAE, vous souhaitez faire l’économie de la formation qualifiante pour répondre en mode dégradé aux besoins économiques, alors de lourds problèmes finiront par se poser.

 
 

La VAE est un droit véritable : elle doit permettre une reconnaissance des acquis de l’expérience et s’accompagner des compléments nécessaires pour offrir une qualification pleine et entière, donnant à un individu les moyens de s’épanouir dans le travail et d’y être reconnu.


Enfin, il ne faudrait pas que certains employeurs se croient dédouanés de leur devoir à l’égard des salariés en matière de formation professionnelle bien qu’il n’apparaisse pas dans le CPF. Les dispositions que vous nous proposez aujourd’hui ne s’attaquent pas à ce type de fraude.


Qui pourrait toutefois s’opposer à la lutte contre la fraude et à l’interdiction du démarchage téléphonique ? Pas nous ! L’application du présent texte constituerait un moindre mal. Les appétits financiers que suscitent les fonds de la formation professionnelle ne s’éteindront pas pour autant. Tandis que France compétences écope, ou plutôt creuse sa dette, certains se repaissent. On ne doit pas économiser sur la formation professionnelle, mais on ne doit pas non plus gâcher l’argent qui lui est destiné.

Le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES soutiendra la proposition de loi et remercie les députés du groupe Démocrate pour leur initiative. Les dispositions contenues dans le texte permettront de limiter la casse, de réguler et d’améliorer la qualité de l’offre de la formation professionnelle. Nous appelons cependant le Gouvernement à prévoir des moyens suffisants pour les services publics chargés de les appliquer. À ce jour, je n’ai malheureusement entendu parler de rien. Enfin, notre groupe tire la sonnette d’alarme : les dérives dont nous parlons sont le signe de problèmes bien plus profonds !

 

 

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