Financement des filières terroristes

Proposition de résolution n°279

Il y a seize ans maintenant, le président américain George W. Bush annonçait le lancement de la guerre contre le terrorisme renouvelant profondément notre perception de la guerre, de la constitution de nos forces armées, et des organisations terroristes.

Cette guerre menée entre des armées régulières et des criminels fanatisés est devenue guérilla, guerre asymétrique et attentats. La frontière entre combattants et civils s’est totalement évanouie, ouvrant une ère sécuritaire qui modifie la manière actuelle de gouverner. Le constat est sans appel : les armées régulières des plus grandes puissances militaires du monde sont tenues depuis seize ans en échec par ces groupes.

Les opérations militaires depuis 2001 n’ont donc pas éradiqué le terrorisme, car sa forme est bien trop malléable pour être anéantie par une force armée. Les échecs flagrants des interventions militaires comme en Irak ou en Lybie interpellent. Pour mener une guerre contre ces organisations terroristes et mafieuses, la force armée doit être jumelée à la lutte contre le financement de ces organisations.

De ce point de vue, les résolutions 2253 du 17 décembre 2015 et 2199 du 12 février 2015 de l’ONU appellent les États à être vigilants sur la contrebande de pétrole et de biens culturels. Il semble d’une impérieuse nécessité que la représentation nationale ouvre une commission d’enquête pour mieux connaître l’état des réseaux terroristes, et de leurs finances afin de mieux les éliminer.

L’émergence de Daech, par ses moyens de financement inédits bouleverse la lutte contre le financement du terrorisme. Jusque-là, les organisations terroristes comme Al-Qaida dépendaient entièrement de donateurs et de trafics en tous genres (êtres humains, organes, drogues, armes, etc.) et de rançonnages. Mais Daech est allé bien plus loin.

En occupant des territoires et en administrant ses quelque 10 millions d’habitants en 2015, Daech a extorqué des commerces et des habitants, et a exploité directement ou indirectement certaines industries comme le pétrole, le gaz, le ciment ou le phosphate.

Résultat de cette méthode, le patrimoine de Daech a été évalué en 2015 à 2 260 milliards d’euros et son budget à 2,6 milliards d’euros, ce qui a été suffisant pour lever, armer, entretenir et payer une armée, et pour embaucher du personnel qualifié pour faire fonctionner les industries présentes sur son territoire conquis.

Mais les industries ne rapportent pas de l’argent s’il n’y a ni transformation, ni acheteurs. Le pétrole, par exemple, doit être raffiné, transporté par des pipelines, des camions ou des pétroliers qui eux-mêmes doivent être entretenus. On estimait en 2015 une production quotidienne d’environ 35 à 40 000 barils de pétrole. Si Daesh s’enrichit, ce n’est donc pas seul : il y a un marché rentable et des entreprises complices pour écouler cette marchandise.

Toutefois, force est de constater que les mécanismes de lutte financière contre les groupes terroristes comportent des fuites qui empêchent leur pleine opérabilité. Ces instruments de lutte contre les financements de Daech n’ont pas réussi à empêcher seuls son enrichissement. Il a fallu les bombardements incessants des infrastructures industrielles de l’Operation Inherent Resolve, force interalliée mise en place en 2014 pour mettre un coup d’arrêt à cet enrichissement.

Les méthodes de lutte contre la contrebande et le blanchissement ont donc failli et ont dû laisser place aux frappes aériennes et au sol, avec tout ce que cela représente comme danger pour les civils pris au piège de Daech et pour les soldats impliqués.

À l’heure où le centre de gravité de Daech semble s’éparpiller pour mieux échapper aux forces de la coalition internationale, et où la Lybie apparaît comme hôte potentiel pour ses combattants fanatisés, l’organisation État Islamique, aussi faible soit-elle devenue en 2017, semble préparer sa mue. Par conséquent, un bilan des outils à disposition pour la lutte financière contre les groupes terroristes et toutes les formes de financement semble nécessaire.

Au cœur de ce bilan, la compréhension aux niveaux nationaux et internationaux des mécanismes de financement des groupes terroristes semble prioritaire. Nous l’avons observé avec Daech, son expansion territoriale est indissociable de son enrichissement. S’attaquer à l’un sans s’attaquer à l’autre ne permet pas d’annihiler durablement de telles entités.

La question des circuits de revente des productions industrielles, des circuits financiers offshore par lesquels fuient les capitaux, la place des paradis fiscaux dans le blanchiment de l’argent – y compris virtuel comme le bitcoin – de ces organisations mafieuses, et de la répression des acheteurs de produits de contrebande se pose avec une particulière acuité.

Se pose également la question des aides financières de certains États qui autorisent l’émergence ou le maintien de certaines organisations terroristes. De ce point de vue, des pistes diplomatiques seraient à étudier pour mieux canaliser ce phénomène.

Une commission d’enquête permettra donc de mener les recherches et les auditions nécessaires pour améliorer la compréhension de ce sujet.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

En application des articles 140 et suivants du Règlement, est créée une commission d’enquête parlementaire visant à l’analyse des sources de financement des filières et des groupes terroristes.