Droit à réparation pour tous les travailleurs exposés à l'amiante

Proposition de loi n°1999  visant à établir l'égalité d'accès au droit à réparation pour tous les travailleurs exposés à l'amiante et à renforcer ce droit

 

L’article 41 de la loi n° 98‑1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 instaure la création d’une allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) et décline, dans ses alinéas, les conditions requises pour accéder à ce droit. Cet article a été modifié par la loi n° 2016‑1827 du 23 décembre 2016 et, si les associations de défense des travailleurs de l’amiante comme les organisations syndicales des salariés, se félicitent de l’instauration de ce droit et de son évolution, elles pointent aussi un certain nombre d’inégalités pour l’accès à ce droit.

Ainsi, de nombreux salariés continuent d’en être exclus, créant, une situation discriminatoire. Il s’agit des intérimaires, des salariés des établissements et service d’aide par le travail (ESAT), des entreprises sous‑traitantes, du bâtiment, de l’automobile ou encore des trois fonctions publiques qui ont été exposés à l’amiante mais dont les établissements employeurs ne sont pas inscrits au tableau ouvrant droit à l’ACAATA. Il convient de faire évoluer l’accès à ce droit pour que l’ensemble des travailleurs exposés à l’amiante puissent bénéficier du dispositif et prétendre à réparation du préjudice subi.

Par ailleurs, des travailleurs renoncent à ce droit faute de pouvoir vivre décemment avec l’allocation des travailleurs de l’amiante. Il convient de revaloriser le montant minimum de cette allocation à un niveau qui leur permette de vivre dignement.

D’autre part, parfois les bénéficiaires du dispositif ACAATA et éligibles à la pension de réversion de leur conjoint décédé, sont contraints de renoncer à ce droit. Il convient également de revoir les conditions de cumul de l’allocation des travailleurs de l’amiante avec une pension de réversion.

De même, concernant les ayants droit, des disparités demeurent entre les salariés du privé et les agents de la fonction publique.

Enfin, le droit à l’information des salariés et au débat contradictoire est également à renforcer.

La présente proposition de loi souhaite répondre à ces légitimes revendications.

1. Droit des intérimaires et sous‑traitants

Le droit à l’ACAATA est ouvert aux travailleurs ou ex‑travailleurs des établissements figurant sur la liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où y étaient fabriqués ou traités des matériaux contenant de l’amiante et que ces activités doivent présenter un caractère significatif. Cette condition exclut les salariés intérimaires ou de la sous‑traitance qui viennent, de manière périodique, accomplir des missions dans un établissement classé amiante et y sont exposés comme les salariés organiques. Cependant, leur employeur, société d’intérim ou sous‑traitante, n’étant pas classé amiante, ils ne peuvent prétendre à ce droit. Toutefois, deux arrêts de la Cour de cassation, en juillet 2016 puis en juin 2017, ont confirmé que « le critère d’éligibilité est en lien avec l’exposition effective que découle de la seule présence non contestée dans les locaux où les salariés sont exposés à l’amiante ». La fiche individuelle d’exposition à l’amiante est établie par l’employeur et transmise au salarié ainsi qu’au service de santé au travail. Elle spécifie la nature des travaux, le lieu et la période d’exposition conformément à l’article R 4412‑120  du code du travail. C’est donc ce document plus que tout autre qui fait foi.

L’article premier de la présente proposition de loi vise à élargir le droit au dispositif ACAATA à tout salarié disposant d’une fiche individuelle d’exposition à l’amiante.

2. Création d’une voie d’accès complémentaire

Des salariés, en dehors de ceux cités précédemment, sont exposés à l’amiante mais l’établissement n’est pas inscrit dans la liste amiante. Il s’agit des salariés des ESAT, des travailleurs du bâtiment, des travaux publics, de l’automobile ou encore des agents des trois fonctions publiques. Il convient de réparer cette injustice en créant une voie d’accès complémentaire sur la base d’un dossier réunissant des éléments démontrant de manière incontestable une exposition professionnelle à l’amiante. Ces dossiers peuvent être déposés à titre individuel ou par un groupe de salariés présentant les mêmes conditions d’exposition. En décembre 2012, le gouvernement s’était engagé à étudier l’ajout d’une voie d’accès individuelle. Le rapport Ricordeau remis au parlement fin août 2015 confirme que des salariés « dont l’exposition à l’amiante est avérée » sont injustement exclus du dispositif et invite la représentation nationale à corriger cette injustice.

L’article 2 de la présente proposition de loi propose d’ouvrir une voie d’accès individuelle au dispositif ACAATA pour les salariés ou ex‑salariés, les agents et ex‑agents des trois fonctions publiques.

3. Montant minimum de l’allocation des travailleurs de l’amiante

Des travailleurs renoncent à bénéficier de l’allocation des travailleurs de l’amiante car son montant, après déduction de la CSG et de la CRDS, ne leur permet pas de vivre décemment. Ce sont souvent les travailleurs qui ont effectué les travaux les plus pénibles et les plus exposés à l’amiante.

L’article 3 vise à garantir un montant net minimum de l’allocation des travailleurs de l’amiante au même niveau que le montant du salaire minimum de croissance (SMIC) cotisations, prélèvements obligatoires et taxes déduits.

4. Cumul de l’allocation de travailleurs de l’amiante et d’une pension de réversion

Lorsqu’une personne fait valoir son droit à bénéficier du dispositif ACAATA et qu’elle perçoit une pension de réversion suite au décès de son conjoint, la caisse régionale d’assurance maladie lui propose une allocation différentielle dont le montant n’excède pas celui de l’ACAATA ou lui demande de renoncer à la pension de réversion au profit de l’allocation amiante. Les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) s’appuient sur l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale de 1999 qui dispose : « Le bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante ne peut se cumuler ni avec l’un des revenus ou l’une des allocations mentionnées à l’article L. 131‑2 du code de la sécurité sociale ni avec un avantage vieillesse ou d’invalidité ». Or la pension de réversion n’est ni une allocation, ni un des avantages cités à l’article 41. C’est un droit issu des cotisations sociales prélevées sur le salaire brut du conjoint décédé au titre du droit à la retraite et lorsque le conjoint survivant fait valoir ce droit, son montant n’excède pas 54 % de la pension de retraite versée ou qui aurait dû être versée au conjoint décédé.

L’article 4 précise le droit à cumuler l’allocation des travailleurs de l’amiante et la pension de réversion pour éviter cette interprétation des  CARSAT de l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale de 1999.

5. Accorder le caractère d’ayant droit au Pacsé et concubin d’un agent de la fonction publique

Aujourd’hui en France, un couple sur six vit en union libre, il y a quatre Pacs pour cinq mariages et un enfant sur deux naît hors mariage. Pour les salariés de secteur privé, la notion d’ayant droit a été adaptée à cette évolution de la société. En effet, depuis la loi du 21 décembre 2011, dans le régime général de la sécurité sociale, le bénéfice d’une rente viagère attribuée au conjoint survivant en cas de décès d’un salarié, a été élargi au concubin ou au partenaire lié par Pacs. Pour faire valoir ce droit, il faut que le mariage ait été contracté, la situation de concubinage ait été établie ou que le Pacs ait été conclu, pour les couples ayant des enfants, avant la date de l’accident ; pour les couples sans enfants, au moins deux ans avant la date du décès.

Pour ce qui concerne les trois fonctions publiques, cette évolution n’est toujours pas prise en compte et seul le conjoint survivant n’est reconnu en qualité d’ayant droit, si le couple a eu des enfants et lorsque ce n’est pas le cas, le mariage doit être antérieur à la maladie ou avoir été contracté au moins quatre ans avant le décès.

L’article 5 vise à établir l’égalité entre les ayants droit des fonctionnaires des trois fonctions publiques et ceux des salariés du privé en reconnaissant le caractère d’ayant droit à la rente viagère aux concubins et pacsés survivants dans les conditions prévues aux articles L. 434‑8 et L. 434‑9 du code de la sécurité sociale.

6. Versement du capital décès aux ayants‑droit

L’article L. 361‑1 du code de la sécurité sociale dispose que le capital décès est versé par la caisse primaire d’assurance maladie aux ayants droit dès lors que « moins de trois mois avant le décès », il était « titulaire d’une pension d’invalidité ou d’une rente allouée en vertu de la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles » correspondant à une incapacité permanente partielle d’au moins 66,66 %. Or si le décès intervient avant que l’instruction du dossier ne soit terminée, la condition d’être titulaire d’une pension ou d’une rente moins de trois mois avant le décès telle que prévue à l’article L. 361‑1 du code de la sécurité sociale n’est donc pas remplie, l’ayant droit du défunt ne pourra prétendre au versement du capital décès même si, après le décès, l’instruction du dossier reconnaît la maladie avec un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) d’au moins 66,66 % et que le décès est pris en charge par la CARSAT. Ainsi, un retraité décède d’un cancer du poumon. La maladie et le lien entre le décès et la maladie étant reconnus après le décès, le conjoint survivant aura droit à la rente allouée à ce titre mais le capital décès ne lui sera pas versé.

L’article 6 instaure la possibilité, pour les ayants droit, de percevoir le capital dès lors que la maladie professionnelle et le décès sont pris en charge par l’organisme de sécurité sociale.

7. Droit à l’information

L’inscription d’un établissement sur le tableau des établissements ouvrant droit à l’ACAATA est décidée par arrêté ministériel. L’article 41 de la loi n° 98‑1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoit au V bis que cette décision d’inscription ou de modification d’inscription ne peut intervenir qu’après information de l’employeur. Mais, lorsqu’une association, une organisation syndicale ou un salarié est à l’origine de la demande d’inscription de l’établissement, l’article 41 ne prévoit pas d’informer le demandeur d’une demande d’annulation ou de modification de la part de l’employeur. Faute d’information, les salariés sont privés de la possibilité de porter leurs arguments à la connaissance des pouvoirs publics. Lors du débat sur le PLFSS 2017, un amendement déposé par les sénateurs des trois groupes avait reçu un avis favorable de la commission des affaires sociales du Sénat et du Sénat. Il a été rejeté par l’Assemblée nationale.

L’article 7 propose de renforcer le droit d’information des salariés et de rétablir le respect du principe du débat contradictoire.