Agression de l'Arménie par l'Azerbaïdjan

Résolution - Discussion générale - 30 novembre 2022

 

L’Arménie, le peuple arménien, la culture arménienne ont déjà failli disparaître au cours de l’histoire. Leur existence est contestée jusque dans le refus de reconnaître cette histoire tragique – je pense au génocide arménien. La faiblesse inquiétante des institutions internationales, l’insuffisance des volontés de règlement pacifique des conflits, l’indigence des réactions des États sont directement en cause dans la persistance des tensions. Nous connaissons pourtant la brutalité des nationalismes qui continuent de sévir dans la région.


En 2020, le monde de l’arménité a subi une agression guerrière, meurtrière, de la part de l’Azerbaïdjan dans l’enclave du Haut-Karabakh, constituée en République d’Artsakh depuis 1991. Depuis lors, dans les territoires conquis, c’est une opération d’effacement culturel et de nettoyage ethnique qui est à l’œuvre et les velléités nationalistes ne s’arrêtent pas là. Nul ne peut nier que ce territoire du Caucase est habité par des populations arméniennes. Celle de l’Artsakh a manifesté par deux référendums son désir de vivre libre et en paix. La France doit appeler à engager les processus de reconnaissance prévus par le droit international pour protéger et apaiser. Elle est d’autant plus fondée à le faire qu’elle appartient au groupe de Minsk, créé voilà trente ans maintenant pour créer les conditions d’une résolution pacifique et négociée. L’absence de cadre international ajusté à la réalité du pays fragilise l’ensemble de la région. Et il faudrait peut-être que l’ONU elle-même étudie l’opportunité d’une interposition.


À l’instar de celles de Robert Guédiguian et Simon Abkarian, des voix s’élèvent pour alerter sur la menace de disparition et sur l’ignorance qui entoure la cause arménienne. Selon le réalisateur du
Voyage en Arménie , d’ Une histoire de fou et de L’Armée du crime , « l’espèce arménienne a survécu à de multiples catastrophes. Pour cela elle a dû se disperser et renoncer à ses terres ancestrales. Il ne lui reste que l’Arménie du Caucase et le Karabakh au milieu de l’Azerbaïdjan… » Il compare l’Arménie à un enfant seul dans la cour de récréation.

Loin des feux médiatiques, les agressions se font de plus en plus menaçantes, dans le contexte d’une volonté de domination étendue du gouvernement turc sur la région, dont le gouvernement de l’Azerbaïdjan est l’une des pièces. Le rôle de la Russie, quant à lui, est trouble. Aussi l’Arménie doit-elle être protégée de multiples velléités d’asservissement. Mais les intérêts en question dépassent le simple cadre d’un conflit régional. L’Europe achète aujourd’hui du gaz azerbaïdjanais et enrichit par conséquent ce régime autocratique, comme si le gaz d’Azerbaïdjan, qui envahit l’Arménie, était plus acceptable que celui de la Russie, qui envahit l’Ukraine.

L’hypocrisie est un poison pour notre parole internationale.

Parmi les intérêts en jeu, on ne saurait éluder ceux liés au commerce des armes. La Russie, Israël et la France vendent des armes à l’Azerbaïdjan. Notre pays caracole depuis plusieurs années en tête des vendeurs d’armes du monde. Pour être si haut dans ce terrible classement, sommes-nous bien regardants sur nos clients et sur l’usage des armes ? En 2019, la France a vendu pour 150 millions d’euros d’armes à l’Azerbaïdjan, alors même qu’existe un embargo sur les ventes d’armes à ce pays ainsi qu’à l’Arménie depuis l’entrée en vigueur en 1993 de la résolution 853 du Conseil de sécurité des Nations unies. Si nous ne dénonçons pas ces ventes d’armes, alors les larmes que nous versons risquent bien d’être des larmes de crocodile.  

Entendez ce qu’il y a de colère contenue dans ma voix. On ne peut pas, d’une part, contribuer à financer le régime de Bakou en lui achetant du gaz, lui vendre des armes, et, d’autre part, pleurer le sort des Arméniens.Faut-il se prêter à ce double jeu ? Je pose ici cette question afin qu’elle soit publique. Et j’affirme que malgré cela nous voterons cette proposition de résolution. Les souffrances du peuple arménien et les horreurs de la guerre nous obligent à nous hisser à la hauteur des enjeux, à affirmer à tout moment notre totale solidarité avec ceux qui meurent et qui souffrent, à pousser en chaque occasion la France à prendre une position forte et si possible cohérente.


Je l’avais déjà dit le 3 décembre 2020 à l’occasion d’une proposition de résolution pour la protection du peuple arménien : « La guerre ne résout rien, elle n’est qu’une défaite du dialogue, de la politique, de l’humanité. » Nous sommes comptables de ce que nous faisons ou ne faisons pas pour écarter son spectre. À l’époque, on nous avait opposé l’exigence de neutralité. Or cette neutralité ne règle rien et encourage les velléités bellicistes. La proposition de résolution a donc le mérite d’envoyer un signal qui n’est pas neutre.

Nous disons avec force que nous voulons le respect du peuple arménien, que nous tenons son apport à l’humanité comme aussi essentiel que celui des autres, que nous voulons la liberté, le droit pour le peuple arménien, la paix pour les peuples d’Arménie, d’Azerbaïdjan, de Turquie, pour les peuples d’Ukraine, de Russie. Pour les peuples du monde entier, nous voulons la paix. 

 

L'intervention en vidéo